Il y a quelques années, un papa m’a confié qu’au moment de la naissance de son enfant, il s’était senti… invisible. Il était là physiquement, à quelques pas seulement, mais il avait l’impression de regarder l’histoire de sa famille se jouer sans pouvoir vraiment y participer.
Et il n’est pas le seul.
Dans nos discussions autour de la grossesse et de l’accouchement, la place du père reste souvent floue. On le félicite d’être « présent », on le remercie d’avoir « tenu la main » ou d’avoir « coupé le cordon ». Mais qu’en est-il de son rôle réel, concret, actif, et du soutien qu’il peut offrir — pas seulement à la mère, mais aussi à lui-même, et à leur bébé ?
Et si on changeait cette vision ?
« On a beaucoup pratiqué pour le faire ce bébé, mais vraiment trop peu pour l’accueillir ! » — Benoit, père
Pourquoi la présence active du père change tout
Mon intérêt pour la place des pères est né de ce que j’ai observé au fil de centaines d’accompagnements : plus un papa est engagé, impliqué et confiant, plus cela adoucit l’expérience de la mère. C’est simple : un père préparé devient un pilier qui rend le chemin plus fluide, plus sécurisant et plus doux.
La recherche le confirme :
- Le stress et la peur de la mère diminuent, ce qui facilite le déroulement physiologique de la naissance.
- Le lien d’attachement entre le père et le bébé se crée plus tôt et plus intensément.
- Le couple traverse ensemble un moment fondateur, qui peut renforcer la relation à long terme.
Un système qui les relègue souvent au rang de figurants
Une amie m’a raconté son expérience dans le rôle de « père » à l’accouchement de sa conjointe. Elle a été sidérée par le manque de place, d’empathie et de considération accordée aux pères dans le système de santé. Trop souvent, ils sont considérés comme accessoire.
C’est vrai que beaucoup de femmes subissent différentes formes de violence et que certaines équipes croient les protéger en gardant les pères à l’écart. Mais je crois profondément que c’est l’inverse qui se produit : en les tenant à distance, on prive la mère d’un allié, et on empêche le père de jouer son rôle.
En tant que doula, j’ai été aux premières loges de cette relation. J’ai pu observer, nuancer, soutenir, informer… et surtout poser des bases de communication solides pour que chacun puisse déployer sa parentalité pleinement, dès la naissance.
« Quand une femme va au garage avec son conjoint, le garagiste parle seulement à l’homme, c’est pareil à l’hopital, même si je suis là, tout le monde parle juste à Madame ! » — Steve, père
Les obstacles qui les freinent encore
Même avec la meilleure volonté du monde, beaucoup d’hommes arrivent à l’accouchement en se sentant « invités de dernière minute » plutôt qu’acteurs à part entière.
Les raisons ?
- Un manque de préparation adaptée spécifiquement aux pères.
- Des modèles culturels qui présentent encore la naissance comme « l’affaire des femmes ».
- Des milieux médicaux où, par habitude ou par contraintes, on les place sur la chaise du spectateur.
Et il y a aussi un tabou : celui des émotions des pères. Plusieurs me disent qu’ils ne se sentaient pas autorisés à exprimer leur peur, leur confusion ou même leur joie intense. Comme si leur vécu ne comptait pas autant. Quand on prend le temps d’écouter ce que ressent le père, les choses changent complètement.
« Le message qui m’a fait le plus de bien c’est soit le père que tu es ! C’est ce qui m’a permis de relâcher la pression ! » — Alexandre, père
Quand on leur donne leur juste place
Quand on inclut les pères dès la grossesse, tout change.
- Ils savent comment soutenir la mère dans les moments intenses (et pas juste lui dire « respire »).
- Ils comprennent la physiologie de la naissance et peuvent la protéger, même face à des imprévus.
- Ils prennent confiance dans leur capacité à être présents, même sans « agir » en permanence.
J’ai vu des pères devenir la voix qui ramène au calme, les mains qui soutiennent, les yeux dans lesquels la mère trouve un ancrage. J’ai aussi entendu des papas dire qu’ils avaient vécu leur propre transformation — un passage initiatique qui les avait préparés à la paternité.
Pourquoi ça nous concerne tous
Donner leur place aux pères, ce n’est pas leur « faire de la place » en en retirant à la mère. C’est agrandir la place disponible pour la famille entière. Quand le père est bien préparé, il devient un allié puissant pour protéger la naissance, soutenir la mère et tisser un lien fort avec le bébé. Et ce bénéfice-là, il dure toute une vie.
Je rêve du jour où on considérera la naissance comme une triade : maman, bébé… et père/partenaire. Le jour où, durant le séjour, on nourrira aussi le ou la partenaire pas seulement au sens alimentaire, mais émotionnel, relationnel, humain… on pourra dire qu’on est sur la bonne voie
A propos de l’autrice : Annick Bourbonnais est accompagnante en périnatalité, thérapeute en relation d’aide, praticienne en hypnose, formatrice à l’Académie Périnatale et animatrice engagée. Porte-voix des réalités qu’on tait, elle utilise les mots pour briser les silences, faire réfléchir et créer du changement.
Créatrice du balado Papa raconte, elle donne une voix à ceux qu’on entend trop peu dans les histoires de naissance. Avec sensibilité, profondeur et une touche de mordant, elle explore les angles morts de la parentalité pour faire émerger des vérités qui transforment les familles et parfois, les systèmes autour d’elles.
Qu’est-ce que le Balado Papa Raconte ?
C’est pour donner cette voix aux pères que j’ai créé Papa raconte. Dès la première saison, j’ai entendu des récits qui m’ont bouleversée : des pères qui avaient dû défendre leur place, d’autres qui avaient trouvé des moyens inattendus de soutenir la mère, et certains qui avaient découvert, dans la naissance, une force qu’ils ne soupçonnaient pas.
Ce balado revient pour une 2e saison, avec encore plus d’histoires vraies, intimes et inspirantes.
Parce que chaque récit compte, et que plus on écoute les pères, plus on comprend à quel point leur rôle est essentiel.
Lien du Balado : https://hypnodoula.ca/pages/podcast