Pour beaucoup, le chemin vers la parentalité commence bien avant un test de grossesse positif ; par des mois, voire des années, de préparation émotionnelle intense. Qu’il s’agisse de surmonter des enjeux de fertilité, de guérir d’un traumatisme passé ou de naviguer à travers les bouleversements physiques et psychologiques de la grossesse, la santé mentale est sollicitée à chaque étape du parcours périnatal. Pourtant, elle reste l’un des aspects les plus négligés (et les moins soutenus) des soins périnataux.

À l’occasion du Mois de la sensibilisation à la santé mentale et de la Semaine mondiale pour l’accouchement respecté (SMAR), soulignés en mai, le Mouvement souhaite ouvrir un dialogue authentique sur les réalités émotionnelles qui traversent la grossesse, l’accouchement et le post-partum. Parce que briser le silence autour de la santé mentale, c’est rappeler à chaque personne qu’elle n’est pas seule face à ses émotions. C’est aussi contribuer à bâtir un système de soins qui honore l’humain dans sa globalité.

Avant la naissance : préparer l’esprit en même temps que le corps

Qu’elle soit planifiée ou inattendue, la conception suscite un mélange complexe d’émotions. L’excitation et la joie peuvent coexister avec l’anxiété, le chagrin ou la peur. Pour les personnes confrontées à des problèmes de fertilité, cette étape peut être particulièrement éprouvante. Des études ont montré que les personnes confrontées à l’infertilité présentent des niveaux d’anxiété et de dépression comparables à ceux observés chez les personnes atteintes de maladies graves comme le cancer ou les troubles cardiaques. Malgré cette réalité, ces répercussions émotionnelles sont trop souvent minimisées ou reléguées au second plan.

Même pour celles qui conçoivent facilement, le début d’une grossesse peut être bouleversant. Le corps commence à changer rapidement et les attentes de la société en matière de « joie maternelle » peuvent entrer en conflit avec ce que ressentent certaines femmes, surtout si elles sont confrontées à des nausées, à l’isolement ou à des circonstances personnelles complexes.

L’accompagnement psychologique à cette étape n’est pas seulement important — il constitue un véritable outil de prévention indispensable. Des recherches ont démontré que l’anxiété ou la dépression non traitée pendant la grossesse augmentent le risque de complications et peut nuire au développement fœtal. À l’inverse, lorsque les personnes bénéficient d’un soutien précoce, elles abordent la naissance avec davantage de confiance et se sentent mieux préparées pour cette transition majeure.

Pendant l’accouchement : le pouvoir (et les risques) de l’environnement

La naissance n’est pas seulement un processus physique, c’est également un événement psychologique majeur. L’environnement dans lequel elle se déroule influence profondément le bien-être mental de la personne qui accouche. Lorsque la naissance se déroule dans un cadre bienveillant, où la personne se sent respectée, informée et écoutée, elle peut devenir une expérience transformatrice, voire épanouissante. À l’inverse, lorsque ces conditions font défaut, les répercussions psychologiques peuvent être durables. La recherche démontre que le traitement irrespectueux ou coercitif pendant l’accouchement, également connu sous le nom de violence obstétricale, peut entraîner des réactions traumatiques similaires à celles observées chez les survivants d’autres formes de violence.

Pour les personnes ayant des antécédents traumatiques, l’accouchement peut également faire resurgir des expériences passées, particulièrement lorsque le contrôle, le consentement ou l’autonomie corporelle sont compromis durant le processus. Il devient donc essentiel de veiller à ce que l’accouchement soit non seulement sécuritaire sur le plan médical, mais aussi sur le plan émotionnel.

Après la naissance : réalités post-partum et luttes silencieuses

La période post-partum est souvent idéalisée et présentée comme un moment de pur bonheur, une phase de connexion magique et de « symbiose parfaite avec le bébé ». Pourtant, pour une proportion importante des nouvelles familles, cette période révèle également une réalité plus complexe : épuisement profond, anxiété, chagrin et bouleversements émotionnels majeurs.

Des données de Statistique Canada datant de 2019 révèlent une réalité frappante : la dépression post-partum affecte environ 23 % des personnes qui accouchent au Canada. Ce pourcentage considérable exclut cependant d’autres défis fréquents, comme l’anxiété post-partum, les pensées intrusives ou le stress post-traumatique lié à l’accouchement. Plus préoccupants encore, ces troubles demeurent largement sous-diagnostiqués, particulièrement au sein des communautés racialisées, autochtones et marginalisées, où les barrières systémiques et la stigmatisation culturelle créent des obstacles supplémentaires à l’accès aux soins.

Aborder cette réalité ne relève pas de l’alarmisme, mais d’une préparation essentielle. Les familles ont le droit de connaître ce qui constitue une expérience normale, ce qui est répandu, et surtout, quand chercher du soutien. À l’image de notre préparation à l’accouchement où nous apprenons à reconnaître les contractions et les techniques de respiration, nous devons nous préparer à la période postnatale en normalisant les conversations sur la santé mentale.

Aller de l’avant : des outils pour gagner en confiance et prendre soin de soi

La santé mentale pendant la période périnatale n’est pas seulement une question clinique, c’est aussi une question de justice sociale. Lorsque le bien-être émotionnel est négligé, les personnes déjà marginalisées par le système encourent des risques accrus de subir des préjudices. Mais heureusement de petites actions peuvent faire toute la différence.

Voici quelques moyens de soutenir la santé mentale tout au long du parcours vers la naissance :

• Normaliser les conversations : Parler de ses peurs, de sa tristesse ou de ses incertitudes contribue à briser la stigmatisation et ouvre un espace au soutien mutuel.
• Préparez-vous émotionnellement, pas seulement physiquement : Les bilans de santé mentale devraient faire partie intégrante de tout projet de naissance.
• Créez des environnements bienveillants : Que ce soit à l’hôpital, en maison de naissance ou à domicile, la présence de personnes de confiance peut réduire l’anxiété et favoriser la sérénité.
• Connaissez vos droits : Se sentir informée et respectée pendant l’accouchement peut prévenir les traumatismes et favoriser le rétablissement.
• Demandez de l’aide sans délai : Si vous ou une personne de votre entourage traversez des difficultés, n’attendez pas. L’aide existe, et une intervention précoce améliore significativement les résultats.

Le respect lors de l’accouchement va bien au-delà de la simple prévention des dommages. Il implique de reconnaître la personne dans son intégralité, au-delà de sa grossesse. La santé mentale constitue un pilier essentiel de cette approche. En accordant aux besoins émotionnels la même importance qu’aux besoins physiques, nous offrons aux familles non seulement la possibilité de donner naissance, mais aussi le pouvoir de le faire avec confiance et bienveillance.