Les comités de parents influencent et transforment les services de sages-femmes et les maisons de naissance au Québec depuis près de trois décennies. Issus d’une volonté croissante d’autonomie dans l’expérience de l’accouchement, ils ont contribué à créer des réseaux communautaires robustes garantissant que les soins restent centrés sur les besoins des usagères et usagers. Leur évolution est marquante : initialement présents dans un rôle de soutien, ils sont devenus des acteurs militants œuvrant pour une transformation systémique des soins périnataux.
Pour comprendre l’histoire, l’évolution et l’avenir de ces comités, nous nous sommes entretenus avec Christine St-Onge, sage-femme et chercheuse dont les travaux récents explorent leur rôle dans l’organisation des services de la pratique sage-femme. Ses réflexions offrent un éclairage précieux sur l’adaptation de ces groupes face aux défis émergents et sur les initiatives du Mouvement pour consolider et amplifier leur influence.
La naissance des comités de parents
À l’inauguration des premières maisons de naissance au Québec en 1994, les sages-femmes ont reconnu l’importance fondamentale d’impliquer les utilisatrices et leurs familles dans l’organisation des services. « Étant donné la mobilisation de nombreux groupes citoyens québécois pour l’accès aux services de sages-femmes, il était indispensable que les utilisatrices elles-mêmes contribuent à l’élaboration de ces services », a souligné Mme St-Onge. Cette approche a conduit à la création de comités de parents — conçus à l’origine comme des instances consultatives — afin d’adapter les services de sage-femme aux besoins spécifiques des familles.
Initialement, ces comités ont concentré leurs efforts sur le processus de sélection des sages-femmes, la conception des espaces dans les maisons de naissance et l’organisation d’activités pour la communauté. Avec l’expansion progressive des services de sage-femme, leur mandat s’est élargi pour englober l’évaluation de la qualité des soins offerts et la promotion active des intérêts et des droits des bénéficiaires.
Du soutien communautaire à la défense des intérêts
Les comités de parents demeurent des intermédiaires essentiels entre les sages-femmes et les communautés qu’ils desservent. Si la majorité d’entre eux privilégie des initiatives de cohésion communautaire (comme l’organisation d’ateliers thématiques et de cafés-rencontres), plusieurs ont évolué vers un rôle de plaidoyer et de défense des droits des familles.
Marie-Ève, membre active du comité d’une maison de naissance, a mis en lumière le rôle fondamental de ces groupes dans la création de liens durables entre les familles. « On voulait que le comité de parents soit comme la porte d’entrée pour avoir une communauté à plus long terme, que ça ne soit pas juste du passage, on fait notre suivi, on vient accoucher, après ça, c’est fini. », a-t-elle confié. Cette perspective illustre comment les comités de parents favorisent un engagement qui transcende l’expérience de la naissance, assurant aux familles un réseau de connexion et de soutien continu.
La recherche de Mme St-Onge souligne également la manière dont certains comités participent au processus d’évaluation de la qualité des services offerts. « Certains comités sont également invités à participer à des discussions sur des questions organisationnelles concernant les équipes de sages-femmes, contribuant ainsi à trouver des solutions favorables pour les deux parties », a-t-elle noté.
Néanmoins, des obstacles persistent. Contrairement aux comités d’usagers officiels des hôpitaux et autres institutions des CISSS et des CIUSSS, les comités de parents ne bénéficient d’aucune reconnaissance formelle dans le système de santé québécois.[1] Ce manque de statut officiel restreint leur influence et leur accès aux ressources essentielles. De plus, certains comités rencontrent des obstacles pour réaliser pleinement leur mission en l’absence d’une collaboration étroite avec les équipes de sages-femmes. « Sans un partenariat continu et solide avec les sages-femmes, les comités de parents ne peuvent exercer efficacement leur rôle », a souligné Mme St-Onge.
Renforcer les comités de parents pour les années à venir
Pour l’avenir, les recherches de Mme St-Onge soulignent l’émergence d’un mouvement international croissant en faveur d’une participation accrue des usagers aux services de santé. Elle ajoute que la majorité des participantes de sa recherche croient en l’autonomie des comités de parents en dehors de la structure des CISSS et des CIUSSS.
L’une des principales recommandations issues des travaux de Mme St-Onge concerne la mise en place d’un cadre de soutien structuré. « Une association provinciale, comparable au regroupement provincial des comités d’usagers, offrirait l’accompagnement et le renforcement des capacités nécessaires pour aider les comités de parents à s’organiser et à contribuer efficacement à l’organisation des services de sage-femme », a-t-elle précisé. Cette démarche permettrait à ces groupes de dépasser le stade de la création de communautés locales pour assumer un rôle de plaidoyer plus formel à l’échelle provinciale.
Le rôle du Mouvement dans l’autonomisation des comités de parents
Le Mouvement reconnaît depuis longtemps le rôle vital que jouent les comités de parents dans la promotion de l’accouchement respecté. Dans le cadre de ses efforts de plaidoyer, notre organisation s’efforce de mettre ces comités en contact et de leur donner les moyens d’agir, en veillant à ce qu’ils disposent des outils, des réseaux et du soutien nécessaires pour faire entendre leur voix.
Pour consolider le partenariat entre les sages-femmes et les parents, le Mouvement entreprend une tournée des maisons de naissance à l’échelle du Québec. Cette initiative a pour objectif de :
- Évaluer les défis auxquels les comités sont confrontés dans les différentes régions
- Encourager une plus grande collaboration avec les équipes de sages-femmes
- Identifier les domaines clés dans lesquels les comités peuvent plaider en faveur d’une amélioration des politiques
Notre ambition est de faire évoluer les comités de parents vers de véritables instances de plaidoyer, capables d’influencer les politiques publiques, de promouvoir l’expansion des services de sage-femme et d’obtenir la reconnaissance des initiatives portées par les usagers.
L’avenir des comités de parents : Accroître leur influence
Les comités de parents jouent depuis longtemps un rôle essentiel dans le soutien aux maisons de naissance et dans l’adaptation des services aux besoins des familles. Cependant, comme le suggèrent les travaux de Mme St-Onge, il y a encore du travail à faire pour que ces groupes atteignent leur plein potentiel. En prônant une plus grande indépendance, en favorisant la collaboration avec les équipes de sages-femmes et en travaillant à la mise en place d’une structure provinciale plus unifiée, ces comités peuvent jouer un rôle encore plus important dans la défense de l’autonomie durant l’accouchement.
Grâce à l’appui du Mouvement et à la tournée des maisons de naissance, les comités de parents pourront accroître leur influence, façonner les politiques et garantir que les services de sages-femmes demeurent centrés sur les besoins des femmes qui y recourent. L’avenir de l’autonomie dans l’enfantement au Québec repose sur la mobilisation et l’émancipation de ces communautés de terrain — et ensemble, nous œuvrons à concrétiser cette vision.
[1] Cadre de référence relatif aux comités des usagers et des résidents, MSSS 2018