L’histoire de la naissance de mon deuxième enfant ne commence pas avec le début des contractions. Elle commence le matin même, à l’hôpital, avec de la violence psychologique de la part d’une médecin. C’est important d’en parler, pour que les gens sachent que ce n’est pas normal, et qu’on n’a pas à subir ça, personne, jamais.
Ce matin-là, à 41 semaines et 3 jours, on se rend à l’hôpital pour un contrôle de routine, pour être sûr que bébé va bien et que le placenta fait encore sa job. La médecin observe le bébé et nous confirme que tout est beau. « Je vais juste aller lire ton dossier, donne-moi 2 minutes ». Elle revient dans un état agité, en panique. Elle arrache presque le petit rideau qui sépare les civières : « AS-TU PRIS TES GLYCÉMIES ??!! ». On éclate de rire parce que tous les médecins rencontrés nous demandaient ça alors que pourtant mon test de diabète gestationnel était négatif, donc non, je n’avais pas pris mes glycémies. Sa colère décuple. Elle calcule fébrilement ma hauteur utérine. 46 cm. Voyez-vous, j’avais commis le péché ultime, celui de faire un GROS bébé et de ne pas en être stressée. S’en suit un discours alarmiste, culpabilisant, se voulant effrayant, sur le fait que c’était irresponsable que je sois encore enceinte, qu’on aurait dû me provoquer à 39 semaines, que mon bébé allait rester coincé, que ça finirait en césarienne d’urgence, tout le kit. Elle termine en me disant, avec le ton le plus condescendant du monde : moi, je te garde pour te provoquer, mais j’imagine que tu refuses ? Je réponds que oui, exactement, je refuse. Bonne journée. On prend nos affaires et on quitte. Moi, la fille informée, au courant, confiante, je me suis quand même sentie ébranlée. Je n’imagine même pas quelqu’un qui n’aurait pas été aussi informé. J’appelle ma sage-femme et lui demande si elle a confiance. Elle me dit oui, à 100 %.
À peine revenu à la maison, j’ai des contractions aux 5 minutes. Ma grande demande à téter, et hop, je tombe aux minutes. C’est reparti vers la maison de naissance ! Un travail court, très intense. J’ai poussé cet énorme bébé de 10lb12oz comme une reine, avec toute la force que mon corps était capable de déployer. Turns out, pas de bébé coincé, pas de césarienne d’urgence, pas de mort. Juste une maman lionne qui a sorti un bébé géant, presque sans déchirure. J´ai eu la chance d´être entourée de merveilleuses femmes, des piliers, qui m’ont soutenue jusqu’à la fin, mais toujours en respectant mes choix et volontés. On ne m’a examinée qu’une seule fois, à ma demande, alors que j’étais dans un gouffre de découragement (allo la phase de désespérance !). Les mots « 8 cm et demi », prononcés par ma sage-femme, c’était ce dont j’avais besoin pour affronter le dernier mille de cet enfantement.
Je ne saurais expliquer le respect radical et l’humanité précieuse dont font preuve les sages-femmes. Il faut le vivre pour en comprendre toute l’amplitude. Je peux tenter de l’illustrer avec cette anecdote. À la suite de l’accouchement, je commence à faire une hémorragie. Mes merveilleuses anges gardiennes embarquent en mode résolution de problème (saviez-vous que les sages-femmes ont, à la maison de naissance, tout ce qu’il faut pour traiter les hémorragies et autres problèmes pouvant survenir durant l’accouchement ?). À un moment, je dois déposer mon bébé pour me faire traiter efficacement, et on va le donner à papa assis plus loin, qui s’occupe de la plus grande. Au milieu de cette urgence, alors qu’il n’y a pas de temps à perdre, les sages-femmes s’arrêtent et me demandent : qui veux-tu qui amène bébé à papa ? À ce moment crucial, elles ont pris la peine de s’assurer que la personne qui amenait bébé à papa, littéralement 3 mètres plus loin, soit quelqu’un que je choisisse. Ça m’a tellement marquée. Je me rappelle m’être dit que je m’en foutais, parce que j’avais une confiance incroyable en toutes les femmes affairées devant moi. Mais elles ont quand même demandé, et c’est là toute l’essence de la chose.
Les sages-femmes ne m’ont pas « accouchée ». Non non, c’est moi qui ai accouché, dans toute ma force et ma puissance. Mais leur présence réconfortante et leur savoir-faire ont été des atouts indéniables. Je ne les remercierai jamais assez.
Les sages-femmes : pas d’épidurale, mais le respect de tes choix et la confiance en ton corps… ça vaut le coup, à chaque fois.
Sophie